
La population n’est pas la seule à paniquer face à la propagation du nouveau coronavirus dont aucun cas n’est encore confirmé en Haïti, selon les autorités. Des médecins haïtiens s’inquiètent, eux aussi, de cette maladie qui a déjà fait plus de 9 000 morts et infecté 200 000 personnes à travers le monde.
Exposés quotidiennement et sans protection adéquate, certains médecins menacent de ne plus venir travailler en cas de confirmation de la présence du COVID-19 en Haïti.
Un manque d’équipements
Les instances du Ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) annoncent des efforts, mais semblent toujours mal préparées.
Au 18 mars 2020, l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH), plus grand centre hospitalier du pays, n’a aucun dispositif ni pour le personnel médical ni pour d’éventuels cas de personnes infectées par le coronavirus.
« Depuis des lustres, l’hôpital général fait face à un manque de matériel, témoigne Chéry Jacques Daniel, médecin résident à l’HUEH. Les gants et cache-nez sont utilisés à plusieurs reprises par le personnel médical. Il n’y a presque pas d’eau et de savon à l’Hôpital alors qu’ils sont essentiels dans la [prévention] du virus ».
Face à cette situation, le docteur se montre terrifié. « La majorité des médecins de l’hôpital s’entendent là-dessus : en cas où un patient atteint du coronavirus se pointe à l’HUEH, aucun d’entre nous ne viendra travailler », confie Chéry Jacques Daniel.
Le médecin s’indigne contre les conditions du système de santé dans le pays. « À maintes reprises, nous avons exigé de l’État de meilleures conditions de travail et de mieux équiper les hôpitaux publics, poursuit Daniel. Nos revendications n’ont pas été écoutées. Aujourd’hui, personne ne va exposer sa vie face à ce virus ».
Un autre médecin résident qui n’a pas voulu s’identifier confirme qu’il pense aussi abandonner le centre hospitalier avec quelques collègues.
Selon les données d’Évaluation des prestations des services de soins de santé (EPSS-II), seulement 3 354 médecins évoluent sur tout le territoire national. Ce nombre restreint de professionnels doit administrer des soins à environ 10 millions d’habitants.
Stock de matériel d’urgences
Dans l’urgence actuelle, leur présence s’avère essentielle. Les salles d’hôpitaux doivent aussi être adaptées aux interventions liées au COVID-19. Tout le matériel et les instruments utilisés devraient être à usage unique ou désinfectés, stérilisés puis vérifiés avant réutilisation.
« Le [MSPP] est en train de faire des démarches avec des partenaires internationaux pour renforcer le stock de matériel d’urgences que le ministère a déjà en sa possession », confie le directeur départemental de l’ouest de la santé, Martial Beneche. Pour l’instant, le ministère et non les hôpitaux compte certains équipements en stock qui sont toutefois limités.
En même temps, ce manque d’équipements n’est pas un problème haïtien suggère le directeur départemental. Il indique que la rareté de matériel médical est à présent mondiale avec le nouveau coronavirus.
Cette situation sème la panique au sein du personnel médical haïtien. La plupart des médecins se montrent prêts à prendre des vacances ou à s’isoler du danger. Ils ne souhaitent pas exposer leurs vies et celles de leurs familles si les hôpitaux ne sont pas équipés.
C’est ce qu’a confirmé le directeur de la maternité au centre obstétrico-gynécologique Isaïe Jeanty-Léon Audain, maternité de Chancerelles, Chantal Datus Junior. « Plusieurs de mes collègues médecins sont allés s’installer en Floride, par crainte de l’envahissement du virus en Haïti », dit-il.
Chantal Datus Junior explique avoir plusieurs cas de médecins résidents qui veulent fermer leur dossier à l’hôpital à cause de la panique que crée cette nouvelle pathologie.